[Dé]Formes par Caroline Mary

Marlène Pegliasco
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[Toulon] Allez-y. Oui, allez-y avant de lire ce qui suit. Le travail que Caroline Mary , diplômée depuis un an de l'École Supérieure d'Art et de Design de Toulon Provence Méditerranée (ESADTPM), nous présente jusqu'au 09 juin 2017 à la Galerie de l'École mérite d'être vu avant d'être compris tellement notre regard est bluffé, trompé.

Caroline Mary

Caroline Mary

Nous avions découvert le travail de la pimpante Caroline Mary à l'automne dernier, lors de l'exposition "Variables Aléatoires" à l'Hôtel des Arts de Toulon. Cette exposition présentait  les travaux des jeunes diplômés de l'ESADTPM. Caroline y avait exposé deux projets autour de la matière et de ses qualités intrinsèques. Elle qui aime travailler la matière nous avait confié vouloir "confronter le spectateur à une nouvelle lecture du matériau" et s'inspirer du travail de Robert Morris  sur la tendance à le contraindre pour qu'il nous donne la forme qu'on désirait et en avait développé une réflexion sur la question de "comment laisser à la matière, la liberté de se donner forme sans l'y contraindre, et surtout en évitant la figuration". Cette réflexion la poursuit dans ces récents travaux exposés ." En sculpture je donne à la matière sa part de création dans sa forme. Ici, je mélange du grès et de la faïence. Là où la gravité déterminait la forme de mes sculptures dans le travail  "Terres Plissées" à l'Hôtel des Arts, c'est la température du four à grès qui va modifier la structure de la forme initiale."  Quelques explications sur le processus créatif s'impose. Le grès et la faïence sont deux matières qui ne se cuisent pas à la même température.  Caroline les marbre et les modèle ensemble en une sphère parfaitement ronde et lisse. Puis, elle cuit ces formes dans un four à grès à 1240 degrés. Cependant, la faïence ne supporte pas cette température et elle va fondre, ce qui va inévitablement modifier la structure de la sphère. La faïence est devenue coulure et brille comme de l émail.

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Admettons-le. Au premier regard, nous ne distinguons pas le grès et l'objet semble être réalisé en métal. Visuellement,  cela ressemble à de la ferraille. Cet aspect feuilletée, dû à la faïence liquide, trompe notre perception." Nous pouvons voir les différentes couches, les mélanges. Laisser la sphère ronde n'aurait eu aucun intérêt. Les différentes matières réagissent autrement." Caroline emploie plusieurs couleurs de grès et la faïence devient brillante après cette forte cuisson. Elle se répand et devient omniprésente. Son aspect change et l'objet si souple devient même coupant.

 

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Les supports en métal sont volontaires. L'artiste y a vu un rapprochement évident avec le résultat de ces formes cuites. Et puis ces hauteur de socles différentes imposent au spectateur d'adopter un regard spécifique sur les objets: par-dessus, de face, de côté… Les formes plus petites au centre de la pièce correspondent à des tests. Celles devant la vitre sont des expériences plus osées, où la matière éclate, parfois même, les formes s'aplatissent comme la pièce en grès noir. L'objet se forme, se déforme puis se reforme. Caroline est une alchimiste de l'art car elle transforme la matière.

Caroline Mary

Au mur, vous découvrirez un travail mêlant photographie et impression. Là aussi, elle joue avec le regard et notre esprit. Caroline a réalisé des photographies de moisissures. "C’est parti d'un accident et en regardant l'aliment incriminé, j'ai vu des moisissures bleues, vertes, en contraste avec le rouge naturel. Toutes ces couleurs étaient belles à voir ensemble et j'ai souhaité exploiter ce visuel. J'ai fait moisir d'autres aliments et avec la photographie macro, je suis allée chercher des  détails pour sortir de la moisissure et pour montrer les couleurs, les matières et les formes." En effet, nous ne reconnaissons pas la moisissure mais les clichés nous évoquent des paysages et des analogies avec le monde minéral . Ces macros ont été agrandi à l' échelle 90 cm × 90 cm pour être imprimés sur des foulards en soie. Une démarche volontaire, expliquée par Caroline : "La soie est un clin d'oeil car c'est un objet de luxe, qu'on porte à son cou, une matière noble, en contraste total avec la moisissure qui est répugnante. La soie, c'est léger, souple…et puis c'est une matière imputrescible. La boucle est bouclée!" À noter que chaque carré de soie est conçu et étiqueté made in France. L'artiste/créatrice ose les connexités.

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Finalement, Caroline Mary  va chercher la beauté où on ne l'y attend pas. La transformation de la matière propose de nouveaux codes visuels où l'oeil et l'esprit se plaisent à se laisser berner.  Tout le travail intellectuel derrière ces créations montre que rien n'est choisi par hasard, tout a sa justification et cette démarche fait parti du travail de l'artiste.  Ces deux travaux explorent notre perception des choses. Comme le souligne l'artiste :"Il n'est pas aisé de considérer les choses simplement pour ce qu'elles donnent à voir, sans chercher à y porter un regard analytique. Ici, il faut baisser le volume de la raison pour voir autrement. Le changement d'échelle peut aider en rendant plus ou moins méconnaissable un objet ou un sujet si familier qu'on ne lui accorde plus d'attention".

Caroline Mary

[Dé]Formes
Galerie de l'Ecole
42 Rue Nicolas Laugier
83000 Toulon
Ouvert du mardi au samedi de 14h à 19h
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