[Toulon] Jusqu’au 18 novembre, l‘Hôtel Départemental des Arts de Toulon a le privilège de recevoir le travail de l’artiste internationalement reconnue Joana Vasconcelos. Représentant le Portugal à la Biennale de Venise en 2005, exposée au Château de Versailles en 2012, Joana Vasconcelos montre dans le centre d’art toulonnais, un panel de sa riche production, mettant en avant ses thèmes de prédilections et sa ligne artistique. Ses œuvres volumineuses, baroques et exubérantes font la part belle aux traditions, à l’artisanat, à la transmission culturelle qui façonne l’identité d’un pays et de ses habitants. L’occasion de sortir des réserves des œuvres peu montrées ou remontant à l’orée de sa carrière mais aussi d’autres inédites puisqu’ une a été réalisée in situ inspirée par l’architecture de l’Hôtel Départemental des Arts. Cette nouvelle Valkyrie prend place au sein d’une proposition curatoriale couvrant 20 ans de création artistique. Les œuvres mises en relation offrent un discours cohérent, nécessaire et intéressant sur l’évolution de la pratique créatrice de l’artiste franco-portugaise.
Il y a d’abord cette Valkyrie, géante et envahissante, qui interpelle le visiteur quand nous entrons dans les lieux. Typique de la production de l’artiste, cette valkyrie n°25, bien-nommée « Its’raining men » s’adaptent au lieu dans lequel elle prend vie. Cette relation forte avec l’architecture se double d’un hommage au directeur du centre d’art Ricardo Vazquez et au commissaire d’exposition Jean-François Chougnet. Le costume d’homme est pris, détourné, transformé en une seule pièce autour de l’espace. Cravate, poches, pantalons…rien de flashy, de brillant, ni de féminin dans cette œuvre au style masculin. « Ici, le message véhiculé est comment les hommes peuvent s’adapter à un coté plus féminin et comment les femmes peuvent s’adapter à un coté plus masculin et l’intégrer dans leur vie » précise l’artiste. Cette relation entre privée et public, féminin et masculin suit sa création de manière intrinsèque.
Cette relation est évoquée dans la pièce « Tétris ». Cette maison est une imbrication d’une forme plus industrielle, plus masculine, relative à la construction, et d’une forme plus sensuelle, artisanale, décorative liée au féminin. « Dans Tétris, tout est construit comme une maison mais aussi déconstruit. Cela provoque une force émotionnelle et physique importante » argumente l’artiste.L’exagération des formes se met au service d’un hommage aux traditions portugaises. Le crochet, artisanat ancestral, joue un rôle sociétal important. La simple manique devient un mandala coloré dans « Big Booby ». La vidéo « Hand-Made » montre cinq femmes de nationalité différentes qui ont seulement le crochet en commun. Filmées dans des lieux connus du Portugal, l’artisanat devient le lien social entre différents cultures, différentes âges, histoires de vie différentes mais le temps passer ensemble à travers le crochet fait qu’elles sont devenues un groupe, un groupe protégé par le textile.Car le textile symbolise la protection d’une famille, d’une maison, d’une personne. Ainsi, dans Eurovision, la dentelle a attaqué la télévision, symbolisant l’adaptation de la femme à la technologie.
Il existe au Portugal une forte relation chromatique par rapport à la lumière existante et cette part identitaire se retrouve dans les carreaux de faïence ou la translucidité de l’ornementation. Dans « Glasshouse », la maison de petite fille en verre de Murano inspire force et fragilité. L’habitat qui protège et enferme, lieu de dualité, de tensions, de choix identitaires, questionne l’artiste. Des lavabos et douches transformés par les perles et des strass pour « Marcelle », la version féminine de l’urinoir de Marcel Duchamp. La douche représente le couple par l’eau et la sensualité. Cette exubérance et ce baroque captent l’œil et mettent en évidence des caractéristiques, des identités. Joana Vasconcelos s’approprie les objets du quotidien, les dé-contextualise et leur redonne du sens par l’amplification des dimensions et l’apparat qu’ils revêtent. Comme cet étendoir, symbole de l’adaptation humaine à son lieu de vie, objet étrange pour les Portugais qui étendent leur linge dehors à tout moment de l’année. Nous abordons ainsi une autre relation sur le vêtement, son luxe et sa précarité, sa matérialité et sa communauté. Vivre avec son époque moderne où la tradition s’adapte et continue d’exister comme autant d’affirmation d’une puissance inaltérable.
Jusqu’au 18 novembre 2018
Joana Vasconcelos, Exagérer pour inventer
Hôtel Départemental des Arts
236 Boulevard Maréchal Leclerc
83000 Toulon
Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h
Plus d’infos sur l’artiste ici