Face au soleil: la lumière du sud et les artistes de 1850 à 1950, à la Banque

Face au soleil
Marlène Pegliasco
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[Hyères] Le 27 novembre dernier, la ville d’Hyères a inauguré un nouvel équipement culturel : La Banque, musée des Cultures et du Paysage. Ancienne succursale de la Banque de France, ce bâtiment de style néoclassique abrite dorénavant les trésors de la collection du musée d’Hyères et un espace d’exposition temporaire. L’exposition inaugurale, intitulée « Face au soleil. 1850-1950» est consacrée à la découverte des paysages de la Provence et de la Côte d’Azur par les artistes et de leur relation avec la lumière et les couleurs éclatantes du sud. Cette exposition prometteuse n’a rien à envier aux grandes manifestations parisiennes. En effet, grâce aux prêts d’une trentaine de musées et de collections privées, les 66 toiles signées de noms prestigieux –Courdouan, Signac, Bonnard ou encore Picasso– retracent une histoire de l’art des paysages méditerranéens à travers le prisme des courants artistiques.

face au soleil
Vincent Courdouan, Les Criques de la Lègue au Brusc, vue de la pointe du Gaou, 1870, Cannes, Musée des explorations du monde

Face au soleil, c’est pour les peintres sortir des ateliers et se confronter à la lumière naturelle. Si l’Ecole de Barbizon avait ouvert la voie à une peinture saisie directement dans la nature, lImpressionnisme poussera l’artiste à expérimenter la couleur et la lumière comme fondement formel de la composition. La Provence est une terre bénie par la douceur de son climat et la diversité de ses paysages, tantôt arides et écrasés par la chaleur, tantôt luxuriants et invitant à la paresse. L’exposition débute par une célébration de l’école provençale. De formation académique, les peintres réalisent des paysages naturalistes représentant une Provence avec toute son âme et toute sa générosité. Les scènes de la vie quotidienne sont une source d’inspiration comme le travail des lavandières chez Paul Guigou ou des bergers avec Emile Loubon. Les paysages de Courdouan sont baignés de lumière. Le ciel est traité en dégradé et de petites touches de lumière viennent attirer l’œil du spectateur. Cette lumière parfois oppressante se traduit par des tons pastel chez Édouard Crémieux . Par leur style et les thématiques, cette école amorce les grandes lignes de la modernité en peinture et inspire les artistes autant locaux que septentrionaux: la toile les Grandes Baigneuses de Paul Cézanne trouve un écho dans Baigneuses dans un paysage de Prosper Grésy.

Face au soleil
Édouard Crémieux, Soleil et poussière, 1900, Villefranche-sur-Saône, Musée municipal Paul-Dini

Plusieurs évènements vont impulser le voyage des artistes vers la côte méditerranéenne. La ligne ferroviaire Paris-Lyon-Marseille permet aux artistes de découvrir de nouveaux paysages enrichissant leurs inspirations, sous une lumière inconnue, à l’instar d’Ernst Meissonier qui peint Antibes entre mer et montagne. Le « roi des ciels » Eugène Boudin délaisse sa Normandie natale pour s’installer à Villefranche-sur-mer et emploie dorénavant une palette claire et une touche plus légère. Dans  Villefranche-sur-mer, Riviera, Félix Ziem fait de la lumière un élément vital qui anime la composition. Le sud, c’est également les couleurs flamboyantes d’un ciel au coucher du soleil, tel le dégradé de couleurs employé par Paulin Bertrand dans la toile Les salins d’Hyères.

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Félix Ziem, Villefranche-sur-Mer, Riviera, vers 1890-1900, Martigues, Musée Ziem

Une communauté d’artistes se retrouvent ainsi sur le littoral méditerranéen pour travailler sur des sujets similaires et se confronter à la lumière zénithale et aux couleurs éclatantes. Les collines et les plaines, les arbres tortueux malmenés par le mistral et les pins parasols sont devenus les sujets de prédilection de ces artistes inspirés à renouveler leur pratique picturale. Le pointillisme fractionne la lumière et structurent la composition par de petites touches colorées d’une vivacité annonçant le fauvisme du début du XXe siècle. Louis Valtat oppose le rouge intense des roches d’Agay au bleu sombre de la mer. Henri-Edmond Cross fait vibrer la Baie de Cavalière avec des camaïeux de bleus, jaunes, rouges et verts. Francis Picabia joue sur les oppositions de couleurs pour offrir une vue de Saint-Tropez à l’agencement encore académique tandis que qu’Othon Friesz applique la leçon cézannienne de traitement des formes pour ne garder que l’exaltation des sens.

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Francis Picabia, Saint-Tropez, vu de la citadelle, 1909, Saint-Tropez, Musée de l’Annonciade

 

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Raoul Dufy, Jardin public à Hyères, 1952, Nice, Musée des Beaux-Arts Jules Chéret

Le Havrais Raoul Dufy découvre le sud en compagnie de Georges Braque. Son œuvre se caractérise par une palette de couleurs vives, une influence cézannienne comme l’atteste le tableau Paysage à l’Estaque mais également un dessin libre et heureux , visible dans la toile Jardin public à Hyères. Les artistes cèdent à l’art de vivre méditerranéen. On célèbre la vie maritime avec les ports, on voyage au grès des vents. Le retour à la veine réaliste après la Première Guerre Mondiale amène les artistes à représenter un paysage paisible vu depuis sa fenêtre telle la délicate La Ferme des Collettes d’Auguste Renoir ou les Pigeons de Pablo Picasso. Enfin, en guise de conclusion, le Biélorusse Marc Chagall crée un univers magique telle une Terre d’Arcadie. Le soleil jaune, puissant, participe au mouvement de vie, apportant un effet tournoyant à la composition.  On y reconnaît les épisodes personnels de la vie de l’artiste, assemblés dans une atmosphère colorée et heureuse. Un hymne à la vie et à l’audace, ce qu’avait saisi le peintre Henri Matisse en disant que « La couleur surtout et peut-être plus encore que le dessin est une libération ».

face au soleil
Marc Chagall, Soleil jaune, 1958, Saint-Paul de Vence, Collection Adrien Maeght

 

Jusqu’au 24 avril 2022

Face au Soleil. 1850-1950

La Banque-Musée des Cultures et du Paysage

14 Avenue Joseph Clotis

83400 Hyères

Ouvert de septembre à juin: du mardi au dimanche de 14h à 18h et les mercredis et samedis matin de 10h à 13h

Ouvert en juillet et août: du mardi au dimanche de 16h à 19h et les mercredis et samedis matin de 10h à 13h

Fermé les jours fériés.

Entrée plein tarif: 7€; tarif réduit: 4€; gratuit le 1er dimanche de chaque mois et pour les moins de 18 ans

Plus d’informations ici

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