Laura Couto Rosado : l’alliance du design et des technologies

Marlène Pegliasco
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[La Valette] Deux ans après sa consécration au Design parade #9 à Hyères, la designer suisse Laura Couto Rosado revient dans le Var pour une exposition personnelle à l’Espace d’Art Le Moulin à la Valette.  Vous y découvrirez trois projets atypiques, menés  silmutanément entre 2014 et 2015, durant ses résidences au CIRVA (Centre International de Recherche sur le Verre et les Arts) à Marseille et à la Manufacture Nationale de Sèvres-Cité de la Céramique.

Salle principale du Moulin

La science du beau

Laura Couto Rosado est une artiste aux multiples facettes, qui aime interroger et bousculer notre perception des technologies mais aussi des objets d'art.  "Je suis designer, très inspirée de l’univers de l’ingénierie et scientifique. J’aime beaucoup tout ce qui touche à la physique appliquée et aux techniques. C’est pour moi une source d’inspiration". Appréciant le travail de designers célèbres comme l'allemand Jerszy Seymour ou le danois  Olafur Eliasson, elle reste fascinée par la nature qu'elle observe aux cours de ses pérégrinations: "Le spectacle de la nature me fascine beaucoup, où que l'on soit, je me sens vivante. Il ne se passe rien et tout en même temps. La nature est une histoire de palpations, quelque chose qui doit être traitée sous le fil technique afin de lui redonner sa poésie, son côté vivant et non simple système organique". Sa consécration à la Villa Noailles en 2014 lui a permis d'évoluer dans son travail grâce aux résidences d'artistes et de confronter ses créations au public lors d'évènements consacrés au design. En 2015,  elle présente une exposition personnelle lors de la Design Parade #10 à Hyères, puis ses projets se dévoilent à Prague, au salon du design Passagen à Cologne, à Paris durant les DDays 2016 et enfin à la Valette où nous pouvons y découvrir l'exposition Impulsions. Le style de Laura Couto Rosado se distingue par un habile mélange d'art et de science, permettant de façonner des objets aussi beaux et que fonctionnels. Les oeuvres créées par l'artiste ne sont pas de simples pièces de décoration. En leur conférant une fonction vitale, Laura Couto Rosado transforme l'objet inerte en oeuvre vivante. Elle avoue être très intéressée par les technologies quelles qu'elles soient: informatiques, électroniques…La designer est imprégnée par le courant du "réalisme fantastique", décrit et annoncé dans l'ouvrage  Le Matin des magiciens, introduction au réalisme fantastique de Jacques Bergier et de Louis Pauwels, datant de 1960. "Ce livre est pour moi une énorme référence. Même s'il a un peu vieilli dans son esprit, son essence, il se retrouve dans la totalité de mon travail". Pour leurs auteurs, le fantastique est "la manifestation des lois naturelles ". La Nature reste un spectacle merveilleux et récurrent dans l'oeuvre de Laura Couto Rosado.

 

Veilleuse tellurique

 

Veilleuse telluriquesupport porcelaine pour prototype

En résidence à la Manufacture de Sèvres,  la jeune designer a développé une veilleuse tellurique aux fonctions particulières . C’est un objet connecté, en porcelaine, qui permet de retranscrire l’activité sismique de la terre par des animations lumineuses. Le long de l'allée centrale de l'Espace d'Art,  on peut observer tout le processus de recherches de formes ainsi que les prototypes qui ont été développés avant l'aboutissement de la forme finale. Pour réaliser le circuit électronique sur la porcelaine, on a repris les techniques "à l’ancienne " de décors sur les assiettes et les tasses à thé. Au lieu d’arabesques ou de fleurs, c'est un circuit électronique fonctionnel qui sert de décors. Celui-ci alimente des LED, des résistances ainsi que des condensateurs. Sur le mur latéral, on voit les premiers tests, réalisés sur des assiettes de rebus de la manufacture. Le schéma électrique final est reproduit en grand sur le mur du fond. Les LED de la veilleuse  sont alimentés directement sur la porcelaine. On a reproduit le schéma électrique et les LED s’animent selon l’activité sismique. Relié à un processeur, lui même connecté à un ordinateur, les données sismiques, publiées sur internet, sont interprétées et retranscrites sous forme lumineuse. "L’objet vibre au même rythme de la terre, à une magnitude faible, juste pour vraiment retranscrire que la croûte terrestre bouge tout le temps" nous explique Laura. Le but n'est pas de retranscrire un tremblement de terre mais simplement de rappeler, par ces touches lumineuses, que nous vivons sur un organisme en perpétuel mouvement. La terre vit, vibre et se transforme tous les jours.  Cet objet allie esthétique et technique. Enfin, cette expérience a permis à la Manufacture de prendre conscience de leurs possibilités créatives.

Vases en puissance

Exposés l'été dernier lors de la Design Parade #10, ces vases sont d'un double emploi, décoratif, fonctionnel et  l'intérêt du projet réside dans la participation-ou non- de leur propriétaire: laisser le vase avec son col élancé ou accomplir une action radicale pour révéler sa fonction en se confrontant à la matière.

Extrait de la vidéo des vases en puissanceExtrait de la vidéo des Vases en puissanceExtrait de la vidéo des Vases en puissance

   

 

Vases en puissanceC'est là l'essence même de ces vases et de leurs significations. Ces derniers sont fait pour être découpés et pour provoquer chez l’utilisateur un rapport actif à l’objet, dans le sens où il faut casser quelque chose pour en jouir. La première idée de ce projet  est celle du sabrage de champagne. Il y a un passage à l'action, donc connexion,  entre l'objet et l'humain. Retrouver un geste radical, transgressif comme une  "décapitation pour réveiller la fonction"  poursuit Laura. Car tant que le vase avec son col allongé reste comme cela, il est en puissance, "une  formule d’Aristote définissant une personne qui a tout pour devenir ce qu’il est mais il ne l’est pas encore Donc ces vases ont tout pour être ce qu’ils sont mais si les utilisateurs ne passent pas à l’acte, le vase ne devient pas vase, il reste décoratif, un objet sculptural non fonctionnel" conclue la designer.  Dans la salle les vases de trois couleurs (albâtre, gris rouge) sont exposés, chaque couleur correspondant à une taille. On peut également y observer le "kit" de décapitation ainsi qu'une vidéo explicative dans laquelle la designer s'adonne au cassage de son vase. Il s'agit d'un protoype, Laura nous assure qu'à l'usage, le dispositif sera plus petit. Sur chaque vase a été creusée une bague de découpe dans laquelle l'utilisateur placera un fil résistif qui chauffe lorsqu'il est alimenté. Laura est là pour nous fournir les explications: "C'est un guide qui permet de mettre l’anneau comme il faut sinon en chauffant, le fil bouge, se dilate et l'action devient moins maitrisée et plus accidentelle. Là, nous sommes dans l'impondérable maîtrisé. On peut acquérir le vase avec le dispositif et c’est eux (les commanditaires) qui décident si ils passent à l’acte ou non. C'est ce moment fort et spectaculaire qu'il est donné de vivre".

 

Vase en puissance gris Vase en puissance gris

Mr. D : la virtualité humaineMr. D.

 "Je m'intéresse aux machines, à leur perception et rapidement j'ai eu l'envie de produire un objet 100% machine" nous confie Laura.  Ici, ce masque virtuel, assemblé à un jeu de miroir,est le résultat d'une combinaison technologique entre la technique et les traits humains. C'est la Galerie Kreo qui lui a permis de réaliser ce prototype. Travaillant avec un logiciel de reconnaissance faciale, utilisé dans les caméras de télésurveillance et très utilisé de nos jours pour les drones, il détecte les visages en  appliquant un maillage triangulaire et lui permettant de reconnaitre une personne et de la différencier d’une autre. Ce langage graphique est réutilisé  et traité via un logiciel codé par la designer. Cela permettrait à tout mandataire d'envoyer son portrait et d'être traité par le logiciel de reconnaissance faciale. Un  maillage simplifié  en serait extrait, puis envoyé à une imprimante 3D pour impression. Ici, Didier Kzentowski, fondateur de la Galerie Kreo, a prêté ses traits pour l'expérimentation.  Ainsi, le logiciel a traité son portrait afin de générer un nouveau visage, un masque, et cette image est projetée sur  deux miroirs à 45 degrés avec le masque au centre. La designer s'explique: "J'avais envie de jouer sur son masque, de l’animer,  de lui donner une aura ainsi que de jouer sur les qualités optiques de réflexion. Aussi, j'ai programmé une  carte qui permet à un videoprojecteur de dessiner toutes les arêtes du masque à la lumière". L'effet rendu est exceptionnel, surtout que l'installation est plongée dans une salle sombre. Les facettes en diamant de ce masque troublent le spectateur.

Une designer singulière

Ainsi, le design allié à la technologie ouvre le champ des possibles. La Veilleuse tellurique, Vases en Puissance et Mr.D constituent trois projets passionnants. Chacune de leurs composantes (porcelaine, informatique, électronique, verre…) est détournée et repensée par l'artiste pour aboutir à un objet particulier mêlant science et esthétique. Artiste singulière, Laura Couto Rosado est également une personne humble, gentille, reconnaissante de la chance et de l’opportunité qu’elle a eu durant ces deux années. Un cycle s’achève mais déjà de nouveaux horizons se dessinent. En attendant d'être conviée à une soirée "Sabrage de vase"!

Laura Couto Rosado



 

 

À découvrir jusqu'au 20 août 2016

Impulsions-Laura Couto Rosado

Espace d'Art Le Moulin

Avenue Aristide Briand

83 160 La Valette

Ouvert du mardi au vendredi (15h-18h), le samedi (14h30-18h30) et le matin sur rendez-vous

 

 

 

 

 

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