[Toulon] Tic, tac, tic, tac…Le temps passe et vous n'avez plus que quelques jours pour découvrir le travail de la jeune artiste Viginie Sanna à la Galerie de l'Ecole, située dans le centre ancien. Nous vous avons déjà parlé de ses oeuvres à l'occasion de l'exposition "Variables Aléatoires" à l'Hôtel des Arts qui présentaient les travaux des diplômés 2015 et 2016 de L’Ecole Supérieure d’Art et de Design de la communauté d’agglomération Toulon Provence Méditerranée (ESADTPM). Aujourd'hui, Virginie nous propose une réflexion autour de sa pratique plasticienne dans cette première exposition personnelle. Lors du vernissage du vendredi 07 avril 2017, Virginie avait accepté de nous expliquer sa démarche pour le blog. Exploration.
Monochrome
Noir, c'est (pas vraiment) noir…
L'exposition se nomme N C J M (référence à ces couleurs utilisés pour son travail: Noir, Cyan, Jaune, Majenta) et présente une toile ainsi que 9 dessins issu de la réalisation de la toile. Un univers épuré où seules comptent la couleur, les formes…et le hasard heureux de la création. Même si ce récent travail fait écho à la présentation de l'Hôtel des Arts, Virignie a souhaité concevoir une oeuvre uniquement pour cette galerie . Un travail différent mais toujours issue de cette répartition aléatoire, c'est à dire qu'elle confie à une intelligence artificielle, un générateur de nombre aléatoire, l'ordre de processus créatif. Ici, elle explore les possibilités de la couleur noire par un travail de recherche de nuances. Une couleur noire, utilisée pure a été mélangée avec la même quantité de cyan, puis de magenta et enfin de jaune, les couleurs primaires à la base de toute création visuelle. Un monochrome de 4 nuances de noirs où les mélanges ont été soumis avec des règles très précises. La précision est bien une qualité de la conception artistique de Virginie. Les compositions de ces nuances, de la toile, jusqu'aux gestes exécutifs du peintre sont soumis à des protocoles strictes. Par exemple, la toile est divisée en 100 carrés car , après plusieurs expériences, l'artiste s'est rendue compte que c'est cette dimension qui était nécessaire pour "une certaine appréciation plus subtile, plus cohérente avec l’effet que je voulais donner et la matière à transmettre sur la toile." 4 nuances de couleur, réparties sur 100 carrés de manière équitable mais dont la disposition reste soumise à l'aléatoire. "J’entre toutes les données, à l’intérieur de ce programme (nuances, nombres) et il me donne une liste, soit des couleurs, soit des nuances , du nombre que je veux. Ensuite, je viens peindre sur la toile selon l’ordre que le générateur a créé. En fait, je délègue la composition à un programme informatique. Mon rôle, en tant que peintre, est de placer la matière avec exactitude sur la toile". L'artiste devient créateur libre mais soumis aux diktats d'une machine? Un travail patient et rigoureux, exécuté avec précision et sacerdoce. Virginie réalise les châssis, prépare sa toile, la traite, puis trace les carrés, les délimite par du scotch, prépare ces nuances, fait ses retouches…Puis elle peint chaque nuance d'une ligne jusqu'à ce que la ligne soit terminée puis passe à celle d'après. On pourrait croire l'artiste esclave des décisions de la machine. Or, le concept est volontaire, très ordonné, réfléchi, défini, l'essence même du travail de la jeune artiste: "Je délègue la composition, je n’ai pas envie de transmettre une émotion, un sentiment par rapport à telle ou telle couleur ou telle ou telle nuance pour exprimer quelque chose, pour moi c’est une peinture et j’en ai une approche conceptuelle et analytique. Je viens chercher dans la matière. Le protocole me permet de travailler la matière, les nuances, toutes les caractéristiques techniques et spécifiques de la peinture sans avoir une certaine subjectivité dans la toile. Je délègue la composition à ce programme ." L appel à l’aléatoire, à cette inconnue, revient à confronter le peintre à ne pas faire ce qu’on attend de lui, c'est-à-dire s’exprimer à travers sa peinture, sur un chevalet: " On retrouve la gestuelle et la signe de l'exécution picturale, à savoir, la peinture, les stries du pinceau, les démarcations, les tracés, l'acte manuel. L'humain se retrouve dans la gestuelle". Une pratique gestuelle et intellectuelle.
Un des 9 dessins présentés
Quant aux dessins accrochés à côté de l'oeuvre, ils sont la traducttion graphique de la peinture exposée. Déjà, le format n'est pas choisi au hasard… La dimension 54 X 54 cm correspond à la toile plus les rebords. Ensuite, je prends les nuances de la toile dans l'ordre et je viens dessiner l'initiale correspondant à la nuance. On retrouve le C de Cyan, le J de Jaune…Le titre de l'exposition prend tout son sens. Les lettres dessinées à l'encre noire sont la part écrite de la toile. D'un côté, une notion écrite et concrète; de l'autre, un concept abstrait et peint. "On est à ce qu’il y a de plus concret dans l’art : les couleurs primaires, les lettres en bâtons, à l’emplacement du carré, sans aucune sépartion comme il n’y a aucune séparation sur la toile." Enfin, même les dessins sont exposés de manière aléatoire: " J’ai rentré les chiffres 1 à 9 dans le générateur et il m’a ressorti une liste pour l'accrochage de ces 9 dessins. Cela signifie que si je dois exposer autre part, je pourrais redisposer la présentation de ces dessins selon un autre ordre aléatoire."
Conceptualité et singularité
Si on devait définir le travail de Virginie Sanna, on écrirait que sa peinture se nourrit des peintres du mouvement De Stijl, cependant, le choix volontaire d'inclure une entité étrangère à la pratique plasticienne la singularise et oriente son cheminement vers un art conceptuel où l'artiste, initiateur, créateur et exécuteur, ne transpose finalement que la vie avec son lot d'incertitude et d'interrogations. Et que si hasard fait bien les choses, c'est avant tout grâce au génie de l'artiste.
À découvrir jusqu’au 05 mai 2017
Galerie de l’Ecole42 Rue Nicolas Laugier
Place Gambetta
83000 Toulon
Ouvert du mardi au samedi de 13h à 18h30