Rencontre avec Lou Doillon, une artiste libre au Festival de Hyères

lou doillon
Marlène Pegliasco
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[Hyères] [Paris] Un timbre unique, des modulations graves et sourdes, des paroles poétiques. Les chansons de Lou Doillon sonnent l’avènement d’un rock singulier, celui qui symbolise la liberté. Car elle est libre Lou, libre d’aller là où l’envie l’attend. Actrice et mannequin, la scène musicale n’attendait pas la fille de l’actrice et chanteuse Jane Birkin et du réalisateur Jacques Doillon à s’imposer dans cet univers et pourtant, son premier Places, sorti en 2012, a reçu un excellent accueil critique, de même que le second Lay Low, paru en 2015. Mais aujourd’hui, ce n’est pas la musicienne que nous interviewons mais la jurée du Grand Prix du Jury Première Vision du 33e Festival International de Mode, de Photographie et d’Accessoire de Mode de Hyères. S’entretenir avec Lou Doillon est un instant fascinant. Son sourire lumineux est contagieux, son aura vous charme et tout de suite, on saisit son rôle de jurée dans la catégorie Mode. Lou Doillon incarne la liberté, cette liberté de vivre, de créer, de ressentir, de s’exprimer. Rencontre avec un tourbillon d’énergie!

vanessa schindler Lou Doillon entre, à gauche, Haider Ackermann, président du jury Mode 2018,  Farida Khelfa et Ben Gorham et à droite, Vanessa Schindler, lauréate du Grand Prix du Jury Première Vision à Hyères en 2017 et Farid Chenoune © Emile Kirsch

Marlène Pegliasco : Est-ce la première fois que vous participez à un concours en tant que jurée ?

Lou Doillon : J’ai été membre du Wollmark Price l’an passé, qui est un prix pour la mode. Je l’ai été aussi pour du cinéma. Mais ce qui est très émouvant et très inspirant, c’est de voir les gens au travail. J’adore la création et je suis curieuse de comprendre comment on se démarque là-dedans, comment se noue une singularité de départ et je pense que la complication, si y’en a une dans ces métiers – là, est de se dire : doit – on privilégier une sorte d’instinct qui n’est pas forcément lié à du savoir-faire pour l’instant ou un savoir-faire qui est déjà présent mais avec moins d’instinct ? Donc c’est là-dessus qu’il faut essayer de départager les créateurs car il y a de très bon faiseurs, à qui on ne peut pas vraiment apprendre la fantaisie, alors que j’aime ceux qui possèdent la fantaisie où je pense qu’on peut leur apprendre une forme de rigueur ou d’industrie. Je ne suis pas une professionnelle de la mode, je suis une acheteuse de la mode, je l’adore depuis que je suis ado. C’est extraordinaire de pouvoir juste se singulariser avec ce que l’on porte et j’ai été curieuse de voir comment les autres membres du jury peuvent fonctionner, eux qui ont un œil sur les rouages de la profession et qui en comprennent les enjeux. Je suis ici dans une optique différente. Si j’ai moi-même une singularité, alors peut-être serais-je capable de la reconnaître chez les créateurs ? Cette reconnaissance est très agréable et en même, elle apporte une pression très désagréable.

M.P. : Vous êtes comme la représentante du monde non-professionnel du jury ?

L.D. : Absolument ! J’ai eu la chance de virevolter dans ce milieu depuis longtemps. Cela fait 20 ans que je travaille dans la mode et avec la mode. J’ai travaillé avec Vivianne Westwood, j’ai été une des premières à suivre Antony Caravello (qui remporta le Grand Prix Première Vision en 2006), j’ai rencontré des créateurs à différentes étapes de leur carrière. Ayant eu la joie de collaborer des gens incroyablement doués et talentueux, j’ai vu plusieurs étapes de la mode mais je n’ai jamais été confrontée aux problématique de cette industrie : le monde professionnel, la forte pression sur les modèles, la rentabilité … Est-ce qu’une machine peut prendre le relai de la fabrication artisanale ? Est-ce vendable en boutique ? Est-ce faisable ? Les gens font tout à la main  et c’est bluffant ! Je vois des choses incroyables de l’ordre du costume avec une fantaisie étonnante mais qui ne ferait pas carrière dans du prêt-à-porter. Finalement, il y a plein de choses à prendre en compte et moi, je suis comme une artiste qui a besoin d’être inspirée et ces jeunes créateurs y contribuent pleinement.

Lou doillon Lou Doillon posant dans l’exposition consacrée à la Maison Berluti © Philippe Olivier pour So Events 83

M.P. : Avez-vous des créateurs fétiches ?

L. D. : J’aime me balader. J’aime cette idée de représenter des personnes qui portent ce qu’ils aiment. J’ai beaucoup d’amis dans l’industrie de la mode qui comprennent que je puisse passer d’un style à un autre, qu’avoir un total look d’un créateur unique ne me convient pas. J’ai mon ego et j’ai besoin de trouver ma place dans mes vêtements. C’est certainement une influence anglaise. Il y a d’ailleurs un terme anglais  » dressed up «  qui signifie autant  » mettre un costume «  que « s’habiller « . Ce terme garde une certaine ambiguïté et j’aime ce contraste et cette idée de jouer avec la mode. J’aime m’amuser avec des choses sexy, vintage, des pièces de chez Gucci, de chez Haider Ackermann, tous mes costumes de chez Yves Saint-Laurent pour leur côté masculin/féminin … S’amuser avec légèreté.

lou doillonLou Doillon posant devant une photographie de Paul Rousteau © M.P.

M.P. : Serait-ce votre définition de la mode française ?

L.D. : Quand je fais des interviews à l’étranger, on me demande qu’est-ce qui caractérise le style français. Une question comme une obsession mondiale ! Je pense que nous savons s’arrêter à temps. La femme française arrête de se dévoiler avant la dernière étape et cette ambiguïté, cette égnime non résolue, est très stimulante. On garde quelque chose, on le retient, on ne dévoile pas tout ce qui est faisable et c’est certainement cela qui définit le style français, qu’on ne peut pas être à 10/10 partout. Je n’aime pas l’expression « dressed to impress », cette idée de s’habiller pour impressionner, au contraire, on s’habille pour émouvoir et le vêtement devrait être le révélateur de la personnalité.

M. P . : Comment voyez-vous l’évolution de la mode française ?

L.D. : Je remarque aujourd’hui une petite tristesse dans la mode et dans plusieurs milieux. Un ami m’a expliqué que la majorité de la vente se fait en ligne et on doit y vendre une seule dimension, comprenez : tout doit être lisible, comme un logo, une épaule nue, dans une unique photo. Pourtant, les marques sensorielles du vêtement, ce qui se font, se défont, se déplacent, la modularité et le mouvement du vêtement, tout cela ne se vend pas sur une seule photographie. J’espère qu’on va revenir dans le vêtement et ses formes et ne pas être obligé de vendre de l’aplat. Cette impression s’étend à d’autres domaines comme les cosmétiques, l’art … Mais certaines personnes essayent de contrer ce processus. C’est encourageant.

M. P. : Quelle est votre actualité musicale ?

L.D. : Je suis en train de finaliser mon dernier album qui sortira avant la fin de l’année.

LOU DOILLONL’étendard de la Maison Berlutti flotte sur le sommet de la Villa Noailles © M.P.

33e Festival International de Mode, de Photographie et d’Accessoire de Mode de Hyères
Villa Noailles
Montée de Noailles
83400 Hyères
Festival et concours du 26 au 30 avril 2018
Expositions du 26 avril au 27 mai 2018
Plus d’infos ici
Site de Lou Doillon ici

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