Tout l’art d’Alfred Sisley

Marlène Pegliasco
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[Aix-en-Provence] Fraîche et poétique, l'exposition proposée par Culturespaces et le Bruce Museum de Greenwich du Connecticut à l’Hôtel de Caumont – Centre d’Art à Aix-en-Provence révèle tout l'art d'un peintre représentatif du mouvement impressionniste: Alfred Sisley (1839-1899). Une soixantaine d'oeuvres, dont certaines rarement présentées au public, retracent le parcours artistique de ce peintre né en France mais d'origine anglaise. De plus, cette exposition, visible jusqu'au 15 octobre 2017, est la première exposition monographique consacrée à cet artiste en France depuis 2002. Alors, plus d'hésitations: plongeons-nous dans la création de ce maître de l'impressionnisme.

1_washington_flood_at_port_marly_0L’Inondation à Port Marly, 1872, National Gallery of Art, Washington, Collection de M. et Mme Paul Mellon © Courtesy National Gallery of Art, Washington

Un chantre du paysage

Inspiré par le paysagiste français Jean-Baptiste Camille Corot, les peintres de l’Ecole de Barbizon et probablement les paysagistes britanniques John Constable et William Turner, dont il étudie les toiles à Londres , Alfred Sisley, membre fondateur dans les années 1870 du groupe"Les Impressionnistes" avec Claude Monet, Auguste Renoir, Camille Pissarro et Frédéric Bazille, s’est dévoué corps et âme à la peinture de paysage, demeurant toujours fidèle aux principes esthétiques fondateurs du mouvement: une peinture rapide sur le motif pour saisir les moments fugitifs, les changements de temps et le caractère distinct de chaque saison. Il est resté fidèle à ce seul genre à travers lequel il n’arrêtera jamais de développer sa propre sensibilité pour les lieux. Soucieux des changements atmosphériques et saisonniers, Sisley a su capter les effets de la lumière dansant sur l’eau, l’éclat du soleil d’hiver sur la neige et le givre, les mouvements des arbres sous le vent, la profondeur de scènes campagnardes et des ciels de l’Île-de- France avec un talent qui a nourri son oeuvre, tout au long de sa carrière, soucieux de rendre le moindre détail.

4_cincinnati_bougivalBougival, 1876, Cincinnati Art Museum

Il accordait énormément d'importance aux ciels dont il disait: "Je commence toujours une toile par un ciel…Non seulement il contribue, par ses différents plans, à donner de la profondeur au tableau -car un ciel aussi a un premier plan, un plan médian et un arrière-plan, comme le terrain- mais avec ses formations nuageuses, il a également une fonction d'animation. Existe-t-il quelque chose de plus merveilleux et de plus mouvementé qu'un ciel d'un bleu profond parsemé de petits nuages blancs et légers comme on en voit souvent en été? Combien de mouvement, et quelle tenue là-dedans, n'est-ce pas? Il produit le même effet que la vague lorsqu'on est en mer: on est enthousiasmé, ravi". Sa technique montre une palette réduite à des tonalités subtiles, des coups de pinceaux spontanés , hâtifs, indiquent une séance en plein air, tel que l'exigeait l'idéal impressionniste. D'un point de vue technique, il reste ancré dans la tradition académique avec l'utilisation d'une ligne centrale pour créer une profondeur de champ et joue sur les différentes couleurs pour suggérer les divers plans. De plus, il guide le regard du spectateur grâce à de subtils effets de touches de couleur qui alertent l'oeil du spectateur, l'intégrant dans l'image et surtout dans le mouvement. "Sa sensibilité très fine, très vibrante se trouvait à l’aise parmi tous les spectacles de la nature… M. Sisley comprenait les jolies lumières, la transparence des enveloppes aériennes, les mobilités et les métamorphoses des reflets, l’agilité des mouvements" souligne l’auteur et critique Gustave Geffroy. Un résumé de l’essence de l’art d’Alfred Sisley.

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À Saint Mammès (confluence du Loing et du canal du Loing), 1892, Museu nacional d’art de Catalunya, Barcelone

Parcours de l'exposition

L'accrochage suit huit sections. La première, "La nature au coeur de l'oeuvre", montre l'engagement de l’artiste dans la peinture de paysage, telle qu’elle a été définie à partir des années 1830 par Corot et les peintres de l’École de Barbizon. Sa facture large et les touches légères du pinceau permettent de saisir une atmosphère naturelle dans chaque toile. Une attention portée à la lumière et  à la nature sont essentielles. La deuxième section place du fleuve La Seine comme modèle omniprésent dans la peinture d'Alfred Sisley et plus largement chez ses amis impressionnistes. L'eau est un élément quasiment omniprésent dans ses toiles car capable de capter les variations de lumière  et créant des lignes d'agencement picturales. Ensuite, plusieurs sections sont consacrées à des sites qui lui furent chers, que ce soit ceux où il vécut – Louveciennes, Marly-le-Roi, Sèvres, Veneux-Nadon ou le bourg pittoresque de Moret-sur-Loing – ou ceux où il accomplit de brefs séjours – Villeneuve-la-Garenne et Argenteuil en 1872, Hampton Court, à l’ouest de Londres, en 1874, et la côte sud du Pays de Galles en 1897. Habitant à Louveciennes, il n'a de cesse de représenter ce petit village des bords de Seine, ainsi que Port-Marly ou Bougival ou Argenteuil où vit Monet. Dans ces villages, Sisley saisit les changements de saison, la lumière hivernale pure qui baigne la Seine,  la gelée blanche, la brume, le brouillard d’automne, la rosée du matin, les hauts nuages de juillet, le ciel menaçant en hiver, les averses en été…Tous les éléments naturels sont autant de sources de captation de la lumière qu'il traduit picturalement dans une symphonie colorée juste et précise.  5_barberini-gelee_blanche Gelée blanche – Eté de la Saint-Martin, 1874, Collection privée.

Dans la cinquième section, une interview filmée de 8 minutes avec MaryAnne Stevens, commissaire de l’exposition autour de Sisley, dévoile: sa vie, son oeuvre et sa place dans le mouvement impressionniste. Une autre section est consacrée  à Hampton CourtSisley réalise une quinzaine de toiles durant l'été 1874.

10_sothebys-moret_sur_loing Moret-sur-Loing (La Porte de Bourgogne), 1891,Collection particulière © Sotheby’s 2016

Une reconnaissance internationale

Grâce au commissariat de MaryAnne Stevens, historienne de l’art indépendante et spécialiste internationalement reconnue de l’artiste, l’exposition "Sisley, l’impressionniste" livre un panorama complet de cette oeuvre foisonnante, tout en proposant de nouveaux éclairages. D'une touche posée à une technique plus vigoureuse,  Alfred Sisley est un peintre de son temps. Entre académisme -perspective, technique-et modernisme -sujets, facture- son oeuvre se fait une place au sein du milieu artistique français de la seconde moitié du XIXe siècle et plus précisément au sein de l'impressionnisme, de ce courant qui cherche à saisir une atmosphère, une impression, des sensations et une sincérité de la nature. Une approche artistique sensible pour celui qui pensait que l'artiste devait "obliger le spectateur à suivre le même chemin que lui et à voir aussitôt ce qui avait ému l'artiste… L'ardeur du créateur génère la vie et éveille le même sentiment chez le spectateur."

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Matinée de septembre, 1887, Musée des Beaux-Arts, Agen © Hugo Maertens, Bruges

Jusqu'au 15 octobre 2017
"Sisley, l'impressionniste"
Hôtel de Caumont- Centre d'Art
3, rue Joseph Cabassol
13100 Aix-en-Provence
04 42 20 70 01
Ouvert 7 jours sur 7 de 10h à 18h (octobre-avril) et de 10h à 19h (mai-septembre)

 

 

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