Amorce d’un récit: Mathilde Geldhof et Benjamin Mouly , balade photographique dans la Rue des Arts

Marlène Pegliasco
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[Toulon] Malgré les jours qui raccourcissent et le froid qui s'est installé, se balader dans la Rue des Arts à Toulon reste toujours un plaisir. Une rue attractive et dynamique où les arts ont élu domicile autant dans les galeries que sur les murs des immeubles. En effet, pour accompagner le programme de renouvellement urbain de la ville, un cycle d'exposition permet à la photogaphie de s'exprimer en plein air et en grand format. Après l'accrochage inaugural "Là où ça danse" , présentant le travail des photographes Marikel Lahana et Lore Stessel autour de la représentation dansée du corps, la nouvelle proposition artistique "Amorce d'un récit" permet de créer un double dialogue entre l'oeuvre photographique de deux artistes , en l'occurence Mathilde Geldhof et Benjamin Mouly, mais aussi avec l'architecture et l'ambiance d'une rue, d'un centre historique en pleine renaissance.

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Mathilde Geldhof, Les parapluies (recadrage pour l'exposition) © Mathilde Geldhof

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Benjamin Mouly, [l’échafaudage] 2012-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

20170914_150028De gauche à droite:Hélène Audibert, adjointe au maire, en charge de la rénovation urbaine, Jacques Mikaélian, initiateur de la Rue des Arts, les photographes  Mathilde Geldhof et Benjamin Mouly, les commissaires d'exposition Anne Cartier-Bresson et Christian Gattinoni, et Nathalie Tinland, directrice générale de Art Actuel Communication, le jour de l'inauguration de l'exposition le 14 septembre 2017.

Quand les murs racontent des histoires

Pour cette deuxième expositon outdoor, le travail fut différent. Les deux commissaires d'exposition, la conservatrice du patrimoine Anne Cartier-Bresson et le critique d'art Christian Gattinoni ont choisi deux jeunes artistes émergeants. "L'idée était de découvrir une jeune génération d'artistes et de proposer un duo dont le travail devait instaurer un dialogue, comme pour l'exposition précédente. Les artistes s'y sont prêtés de manière exemplaire."  Installée à Paris, Mathilde Geldhof raconte qu'elle a rencontré Benjamin Mouly, Rennais d'adoption, pour la première fois dans la capitale, dans le bureau d'Anne Cartier-Bresson, en compagnie de Christian Gattononi"Pourquoi nous ensemble ? Je pense que les deux commissaires voyaient des possibilités de narration dans nos deux pratiques différentes mais qui pouvaient amener à des suggestions de récit ". Mathilde a travaillé avec Anne Cartier-Bresson en 2014 et Christian Gattinoni était le professeur de Benjamin Mouly lorsqu'il était étudiant à L'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d'Arles. Ensuite, les deux artistes ont eu six mois pour créer un parcours artistique en 23 images en puisant dans leurs travaux photographiques. "Nous avons énormément échangé et cette manière de travailler par rebonds fut très enrichissante. Nous avons proposé mutuellement des choses ensuite , la sélection fut montée ensemble. Nous avions eu la chance de bénéficier du travail accompli pour la première exposition "Là où ça danse", de voir à travers des images le mobilier urbain ainsi que l'architecture. Et nous avons découvert le résultat final en même temps que les Toulonnais" nous dit Mathilde. Benjamin rajoute: "Le but est d'avoir une vision sur son travail personnel et vice-versa. Mais l'intérêt ne reposait pas sur l'exposition d'un corpus personnel mais consistait plutôt à créer un enjeu par rapport à  l'architecture, qui se réponde, ouvert sur la ville et les passants.  C’est pour cela que nous avons sélectionné des images qui n'avaient pas été montrées auparavant car l'organisation finale aboutirait à un récit déambulatoire sur toute la rue et aussi que le public puisse revenir pour comprendre ce qui se passe entre les images". Ce beau projet s'accorde sur un bon équilibre entre discrétion et relation. L'image doit être visible sans gêner la vie de ce quartier. Elle est une présence invitant à s'intégrer dans nos vies.

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Benjamin Mouly, Dos, HOSTEL, 2014-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

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Mathilde Geldhof, Chloé, la maison perçée (recadrage pour l'exposition) © Mathilde Geldhof

Mathilde Geldhof

Née en 1988, Mathilde explore le médium photographique mais le traite parfois sous forme d'objets ou en installation. Dans le cliché intitulé Chloé, la photographe et son modèle ont investi une maison abandonnée. Les fissures murales sont accentuées par les lignes de la chaise. Le vide est juste derrière mais nous ne savons pas où commencent les verticales et où finissent les horizontales. Un travail de présence aussi sur les personnes qui peuplent ses images. Des âmes figées, dans des poses humaines d'une extrême simplicité. Le triptyque "Luisa" a été démantelé pour cette exposition afin que chaque image vive à la fois individuellement mais se répondent à divers croisements de la Rue des Arts. Une recherche vivante de l'image.

 

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Mathilde Geldhof, Comporta (issue de la pièce Luisa). La photographie intégre la culture de ce centre ancien.

La jeune artiste nous explique sa démarche créative : "J’ai rarement de projet préalable à ma venue dans un lieu. C’est en marchant et en passant du temps dans la ville, dans le territoire, avec ou sans appareil photo que je développe un regard, que je trouve des choses qui m’intéressent, et que je me raconte mes propres histoires. Je suis attachée à la narration, à la manière de la transmettre par les images, à ses différentes strates. Souvent quand je fais une image, différents récits se superposent. "

20170914_152529(0)Mathilde Geldhof dans la Rue des Arts. Chaque image est disposée de manière à être visible et contrinue à l'âme du quartier.

Benjamin Mouly

Alors que Mathilde Geldhof compose des tableaux vivants, Benjamin Mouly a une pratique imaginative plus éclectique. Plasticien, performeur, il exploite le médium photographique en installation. Ses sources d'inspiration sont les objets de son quotidien. Ensuite, il les place dans des situations ou les intègre dans des poses abstraites. Ce store délavé et traité en négatif fait ressortir des couleurs bleutées voire irréelles. Les trous d'usure sont autant de points d'accroches visuels pour s'accaparer l'oeuvre. Et ainsi, laisser faire notre imaginaire ou nous renvoyer à des souvenirs personnels. Le récit intime peut commencer.

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Benjamin Mouly pose à côté de la photographie Store, 2014-2017. L'alliance de la photographie contemporaine et des détails architecturaux d'époque classique (triglyphes et gouttes, visibles sous la fenêtre) sont justes magnifiques.

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Benjamin Mouly, Lit, 2014-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

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Mathilde Geldhof, Romain (issue du diptyque Romain & les jardiniers de la Cité des Arts) (recadrage pour l'exposition) © Mathilde Geldhof

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Benjamin Mouly, Scaffholding, 2012-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

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Cet échafaudage a un aspect très structural. La couleur devient sculpture involontaire jouant sur l'architecture intrinsèque et réelle. La texture fait penser à un dessin mais Benjamin creuse le médium afin de lui donner cet aspect granuleux. Ses images restent en suspend. Il ébauche des lectures visuelles d'une poétique absolue.

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Mathilde Geldhof, Les défilants, Scène#2,  (proposition pour l'exposition) © Mathilde Geldhof

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Benjamin Mouly, and a hand, 2014-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

Déambulation artistique

L'exposition "Amorce d'un récit" propose ainsi une autre manière d'habiter la ville mais aussi une autre façon de fréquenter ce quartier. La matière urbaine contribue à voir les images autrement que dans un musée. La relation entre la photographie et l'architecture est fondamentale et nous assitons à un triptyque créatif dépassant les codes culturels. Amorcer un récit que le passant s'approprie avec ces personnages, les situations imaginées derrière les façades, la narration qui en découle. Car ce parcours artistique, amenant l'art au plus près des citoyens, n'est qu'un point de départ vers la fabrique de nombreuses histoires.

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La matérialité captée par les photographes épouse celle de l'architecture urbaine.

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Mathilde Geldhof, Raphaël, rue des Balendras (recadrage pour l'exposition) © Mathilde Geldhof

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Mathilde Geldhof, Les mille écus(recadrage pour l'exposition) © Mathilde Geldhof15_MOULY_PARK_Les_oranges

Benjamin Mouly,PARK,  [les oranges] 2015-2017 © Benjamin Mouly, Courtesy Les Filles du Calvaire

Amorce d'un récit
Jusqu'au 17 janvier 2018
Rue des Arts – Centre ancien de Toulon
83 000 Toulon

En savoir plus sur Mathilde Geldhof ici

En savoir plus sur Benjamin Mouly ici

 

 

 

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