Dans la solitude d’un champ de coton dans lequel on se promène nu, la nuit…

Marlène Pegliasco
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La lumière tombe. L'atmosphère devient pesante, étouffante. Quelques lueurs éclairent les visages des deux protagonistes qui se toisent. L'un, immobile comme effrayé; l'autre, calme et serein. Chacun cherche son salut dans une joute à la fois verbale et corporelle dans cette pièce de Bernard Koltès.

01.DansLaSolitudeDesChampsDeCoton©JeanLouisFernandez Dans La Solitude Des Champs De Coton ©Jean-Louis Fernandez

(le dealer) Si vous marchez dehors,à cette heure et en ce lieu, c’est que vous désirez quelque chose que vous n’avez pas, et cette chose, moi, je peux vous la fournir ; car si je suis à cette place depuis plus longtemps que vous et que même cette heure qui est celle des rapports sauvages entre les hommes et les animaux ne m’en chasse pas, c’est que j’ai ce qu’il faut pour satisfaire le désir qui passe devant moi, et c’est comme un poids dont il faut que je me débarasse sur quiconque, homme ou animal, qui passe devant moi.

La pièce raconte la rencontre entre un dealer et un client, dans une rue lugubre à la tombée de la nuit. Au fur et à mesure, les attitudes s'inversent, le dominant devient dominé et vice-versa. Mais alors, quelle finalité dans ce dialogue où ces êtres refusent ni de souffrir, ni de gagner vilement, ni de perdre stupidement?

(e dealer) Car ce que tout homme ou animal redoute à cette heure où l’homme marche à la même hauteur que l’animal et où tout animal marche à la même hauteur que tout homme, ce n’est pas la souffrance car la souffrance se mesure et la capacité d’infliger et de tolérer la souffrance se mesure : ce qu’il redoute par-dessus tout, c’est l’étrangeté de la souffrance, et d’être amené à endurer une souffrance qui ne lui soit pas familière…Brutes et demoiselles se craignent et se méfient tout autant, parce qu’on n’inflige que les souffrances que l’on peut soi-même supporter et que l’on ne craint que les souffrances qu’on n’est pas soi-même capable d’infliger.

Mata Gabin –le dealer- s'impose par la profondeur de son jeu et sa présence paralysante; Charles Berling  joue avec brio un client terrassé, à bout de souffle, en perte de repère, à la limite de la folie. Et nous, spectateurs, nous sommes les voyeurs de cette scène presque ordinaire, une scène qui, au delà des rapports commerçant-client, nous donnent à voir les divers faciès humains dans cette diatribe féroce où l'issue d'une entente semble vaine.

(le client) Je ne crains pas de me battre mais je redoute les règles que je ne connais pas.

Dans la solitude des champs de coton est une pièce de Bernard-Marie Koltès, à voir absolument, autant pour apprécier sur scène le génie littéraire de cet auteur que pour se sentir happer par le vibrant jeu des deux acteurs qui nous fait papilter, nous transcende. Prochains rendez-vous:  Sainte-Maxime et Fréjus.

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