Marie Havel: Les ruines immortelles de DDessin à Art Paris Art Fair

marie havel
Marlène Pegliasco
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Construire/déconstruire. Bâtir/démolir. Edifier/ruiner. Ces oppositions symbolisent nettement le travail de l'artiste Marie Havel. Née en 1990 à Soissons, diplômée de l’École des Beaux-Arts de Montpellier en 2016, Marie Havel développe son oeuvre autour de la notion de chute, de ruine, saisissant le point d'équilibre entre construction et déconstruction. Son diplôme en poche, elle a remporté successivement le premier prix du Salon du Dessin de Montpellier, Drawing Room, en septembre 2016,  et le Prix DDessin 2017 à Paris. Elle est représentée par la H Gallery à Art Paris Art Fair pour le Prix Promesse juste avant de démarrer une exposition personnelle au sein même de cette galerie. Focus sur une artiste talentueuse au parcours fulgurant.

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Jumanji #17, graphite sur papier, 2017, collection privée ©Courtesy H Gallery

Jumanji est la série qui a révélé l'artiste au grand public et qui l'a faite lauréate du Prix DDessin 2017, un salon de dessin contemporain qui se déroule chaque année fin mars à l'Atelier Richelieu dans la capitale. Avec beaucoup de précisions et de rigueur, Marie Havel formalise des dessins au graphite dans lequels elle interroge les jeux de construction et les rapports contradictoires entre construction et destruction. Ses dessins montrent des colonnes verticales dans un espace uniforme inconnu, telle une architecture en apesanteur dans un monde étrange. S'il faut construire pour détruire et détruire pour reconstruire, quel est le point d'équilibre? Où s'arrête l'élévation et où démarre la chute? Inspirée de l'enfance, des jeux comme les Kapla, Marie dessine ces jeux de construction au moment de leur destruction et fige cet instant avec de la végétation inspirée de la maquette comme une forme en suspens, de manière à la rendre intemporelle. De la même manière que l'herbe recouvre les ruines qui s'apprêtent à chuter, avec le temps, elle découvre et recouvre, oeuvre et destructure, nous fait regarder ces formes amenées à se déformer.

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Jumanji #1,  graphite sur papier, 2016, collection privée ©Courtesy H Gallery

Le travail de Marie Havel s'inscrit dans une boucle infinie où on construit pour détruire et cela ne s'arrête jamais. Le temps s'écoule de manière linéaire et elle l'interrompt, comme un arrêt sur image, une vision qu'on graverait dans notre mémoire. Les souvenirs enfantins s'éloignent en même temps que la flore recouvre les architectures, dans des images inspirées par des lieux familiers. L'effacement se transforme en solitude, particulièrement ressentie dans ces dessins sans vie humaine figurée.

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Le Ravin du Loup 4, 2017, Flocages de modélisme sur carton gris ©Courtesy H Gallery

La végétation s'inspire du flocage des jeux de maquettes. Une inspiration qui envahit ses nouvelles oeuvres, présentées lors de l'édition 2018 de DDessin (qui s'est tenu du 23 au 25 mars 2018). Cette matière synthétique, mousseuse et malléable, renvoie aux pratiques enfantines de l'artiste et du spectateur qui se reconnaît dans ce travail. Une expérimentation des médiums qui l'amène à travailler sur plusieurs supports. Pour Art Paris Art Fair (du 05 au 08 avril 2018 au Grand Palais), elle présentera un dessin de flocage de 2m40 x 3m60, composé d'une mosaïque de dessin de 40 x 60 cm sur carton. On y verra aussi l'installation "Qui perd gagne", présentée l'an dernier à la H Gallery et au Château d'Assas au Vigan. Ce "paysage usagé", un bunker en polystyrène recouvert de sable, est une évocation à son enfance quand chaque année, sur la Côte d'Opale où s'étendent les édifications du Mur de l'Atlantique, elle voyait ces formes dures apparaître et disparaître, en un mouvement latent et avec la surprise que certaines personnes se les réapproprient. "Nous sommes dans toujours dans la notion de jeu" précise l'artiste. "Les ruines peuvent être belles, romantiques, ce qui est important est la valeur qu'on leur donne. Pour ce travail, je fais un parallèle avec la construction des châteaux de sables qui s'effondrent pour mieux les rebâtir. Cette installation, comme mes dessins, reflètent des mises en tension dans ce cycle précaire où toute chose peut disparaître en un instant".

 Marie HavelVue de l'exposition Réaménagements permanents en 2017 à la H Gallery ©Courtesy H Gallery

Au même moment, à partir du 06 avril, elle exposera à la H Gallery des oeuvres jamais présentées à Paris. Des flocages, des grands formats de la série Jumaji ainsi qu'un travail de maquette, de photographies, d'édition et d'installation qui viendront enrichir le leitmotiv de sa création. Ses thématiques de la ruine et de l'enfance portées au point de vacillement entre solidité et fragilité. Des ruines emprisonnées dans l'espace-temps par cette végétation abondante. Parlant de son travail, l'artiste nous livre "être entre deux univers et c'est pour cela qu'existe une certaine suspension dans mes créations. Quand je dessine, quand je sculpte, quand je crée, je vis mon oeuvre, je la livre de l'intérieur". A travers une histoire personnelle, elle en délivre une, plus collective, qui nous émeut et nous bouleverse. Son exploration artistique devrait continuer cette année avec la résidence de création gagnée à DDessin. Un travail qui ne finira pas de nous toucher. A suivre donc.

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Maison clou 2, 2017, dessin au papier de verre sur tirage numérique noir et blanc ©Courtesy H Gallery

Plus d'infos ici

Site de la H Gallery

Site de Art Paris Art Fair

This article is produced by Marlene Pegliasco

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