Le modèle féminin à l’honneur

Marlène Pegliasco
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[Toulon] Le Musée d’Art de Toulon dévoile une partie de ses collections à travers une exposition thématique : la représentation de la femme dans l’Art. Les œuvres présentées couvrent les périodes du XVIe au XXe siècle et l’exposition est divisée en sous-thème : la femme dans l’art judéo-chrétien, tel cette Vierge à l'enfant peinte par le peintre italien Francesco Granacci (1469-1543), les allégories et la mythologie, les symboles incarnées par le modèle féminin, les portraits et le traitement du nu féminin. Un véritable cours d’Histoire de l’Art vous y attend !

Musée d'Art

Vierge à l'enfant, Francesco Granacci,

Période moderne

L’exposition nous accueille avec des sujets mythologiques, à commencer par le gracieux dessin  Léda et le cygne de James Pradier (1792-1852)  et le pastel  Aspasie ou la colombe messagère du toulonnais Simon Julien (1735-1800). Traité tout en finesse, ce charmant dessin regorge de délicatesse. La femme mythologique est souvent déshabillée, ce qui permet aux artistes de représenter leur corps charnel et sensuel : elle prend les traits de la déesse de l'amour Vénus chez Jean-Baptiste Paulin Guérin (1783-1855) , de la néréide Galathée chez Charles de la Fosse (1636-1716) ou de la chasseresse Diane, lascive, chez Jean-Baptiste Van Loo (1684-1745). 

Le bain de Diane, Jean-Baptiste Van Loo

Le bain de Diane, Jean-Baptiste Van Loo

Ensuite, les thèmes  inspirés de l’histoire judéo-chrétienne permettent la représentation de la femme dans divers états. Elle s’incarne en sainte, telle Sainte Geneviève sous le pinceau d'un anonyme. Nous la retrouvons aussi représenter en Marie-Madeleine sous le pinceau de Pierre Déloréis (1834-1902), figurant la sainte dans sa grotte de la Sainte-Baume, dans un style cependant un peu simple et imprécis, ou bien portée par des angelots par Adélaïde de Salles-Wagner (1824-1890), une composition très symbolique et romantique. Un sujet et deux interprétations différentes.

Saint Geneviève 

Sainte Geneviève, Anonyme.

Marie-Madeleine, Adélaïde de Salles-Wagner

Marie-Madeleine, Adélaïde de Salles-Wagner

Sous l'impulsion du caravagisme, la femme se révèle vaillante et courageuse  en Judith ayant tué Holopherne, d’après Valentin de Boulogne (1591-1632). Un regard expressif et déterminant, un clair-obscur qui souligne la chair féminine et des drapés accomplis d'une belle facture.

Judith et Holopherne, Valentin de Boulogne

Judith et Holopherne, Valentin de Boulogne

Mythologie et religion sont des prétextes pour étudier et peindre le corps féminin. Mais bientôt, les portraits officiels apparaîtront à côté du genre historique. Un Portrait de femme en buste de Nicolas de Largillière (1656-1746) plus libre et plus naturel que le classique Portraits à mi-corps des princesses Zénaïde et Charlotte, filles de Joseph Bonaparte de Jacques-Louis David (1748-1825). Quant au Portrait de Madame X par Charles Adolphe Bonnegrâce (1808-1882), il reprend tous les codes du portrait d’apparat : facture lisse, dessin finement exécuté. Les formats, souvent de grandes dimensions, permettent un cadrage qui saisit la personne en pied ou  montrant les ¾ de son corps.

Portrait de femme n buste, Nicolas de Largillière

Portrait de femme n buste, Nicolas de Largillière

 Portraits à mi-corps des princesses Zénaïde et Charlotte, filles de Joseph Bonaparte, Jacques-Louis David  

Portraits à mi-corps des princesses Zénaïde et Charlotte, filles de Joseph Bonaparte, Jacques-Louis David

Portrait de Madame X, Charles Adolphe Bonnegrâce

Portrait de Madame X, Charles Adolphe Bonnegrâce

Longtemps confinés à un cénacle royal, les portraits personnels se propagent au XIXe siècle. L'art nous montre la femme en tant que compagne, l’épouse, la confidente, la génitrice, le siège heureux du foyer, glorifiée par Jean-Baptiste Paulin Guérin dans  Portrait de la femme de l'artiste , ici réalisé dans un style très néo-classique : posture de ¾, corps légèrement tourné, fond neutre.

Portrait de la femme de l'artiste, Jean-Baptiste Paulin Guérin

Portrait de la femme de l'artiste, Jean-Baptiste Paulin Guérin

Quant à Pierre-Jean Dedreux Dercy (1789-1874), il exécute une  Jeune fille à l'allure  désinvolte.

Jeune fille, Pierre-Jean Dedreux Dercy

Jeune fille, Pierre-Jean Dedreux Dercy

Puis le regard nous amène vers de coquettes mondaines nous offrant les toilettes à la mode, comme le tableau Jeune femme assise au Mourillon de l'artiste toulonnais Octave Gallian  (1855-1904).

Jeune femme assise au Mourillon, Octave Gallian

Jeune femme assise au Mourillon, Octave Gallian

À partir de ce moment-là apparaît la notion de réalisme dans le portrait féminin. Idéalisée ou imaginée, la femme, comme allégorie ou personnage religieux, prenait rarement l’apparence concrète d’une personne existante. Mais cela va changer. Derrière l'exécution avec plus ou moins de vraisemblance des visages, il y a le choix de la retranscription d’une personnalité et d’une physionomie. Le portrait est une tradition auquel aucun peintre n’échappe au XIXe siècle. Ce genre s’accommode de tous les styles: policé et strict, naturel et impressionniste. Finalement, ce genre se perpétue malgré l’apparition de la photographie, s’adapte et s’émancipe des traditions académiques.

Vue d'ensemble de la salle 1

Vue d'ensemble de la salle 1

Regards contemporains

Dans la 2ème salle à droite, nous retrouvons la femme traitée de manière symboliste. Elle est le Printemps d’Isidore Pantois (1815-1884), objet de peinture et d’affiche. Elle devient cupide et tragique dans les dessins de Gustav Adolf Mossa (1883-1971) jusqu’à devenir animale dans l’estampe Guerra de Bernard Valère (1860-1936). À cette époque où l’art s’émancipe des codes traditionnels, d’autres artistes continuent un traité plus académique, à l'instar des sanguines de René Ménard (1862-1930). Sa femme nue couchée est soulignée par une belle cambrure, des hachures fines dessinent ses volumes, une volupté qui s’oppose à l’immense  Aurore  d’Eugène Carrière (1849-1906).

Nu, René Ménard

Nu, René Ménard

Vue d'ensemble avec l'Aurore d'Eugène Carrière

Vue d'ensemble avec l'Aurore d'Eugène Carrière

Nue ou habillée, élégante ou libertine, elle est l’effluve estivale du  Maillot  noir de Paul Collomb (1806-1881). Contemplative dans le repos de la danseuse de Pierre Deval  (1897-1993) ou mondaine dans la Femme à l’éventail de Jules Chéret (1836-1932), la femme se permet tous les états . Elle symbolise l'orientalisme si cher aux artistes du XIXe siècle, magnifiée dans le tableau Danseuse au Caire d'Eugène Giraud (1806-1881).

Danseuse au Caire, Eugène Giraud

Danseuse au Caire, Eugène Giraud

D’un point de vue stylistique, la ligne académique s’efface au profit d’aplats de couleurs comme chez Paul Collomb, de quelques traits de plumes comme dans les dessins Nu assis de dos ou Nu féminin de dos de Pierre Deval, des superpositions de couleurs criardes, marque des fauvistes, que l’on retrouve dans la facture de Maurice Bouviolle (1893-1971) dans Ouled naïl couchée. Les contours soulignés de noirs rappellent la chevelure de cette femme qui s’abandonne dans 4 ouled naïls au phon bleu. Quant à Othon Friesz (1879-1949), le peintre joue sur les tons neutre et rose pâle et un arrière-plan vert pour mettre en avant le corps voluptueux et gracieux de son modèle dans Femme nue assise.

Femme nue assise, Othon Friesz

Femme nue assise, Othon Friesz

Enfin, l’exposition nous offre une belle collection de photographie d’Edward Steichen (1879-1973). D’une composition très académique, le contraste noir/blanc souligne les courbes féminines. Celles-ci sont nettes, le corps féminin, sensuel et fatal est mis en valeur. Ce n’est pas le visage mais le corps qui s’exprime dans toute sa beauté et sa grâce. Isadora Ducan at the Parthenon, La Nazimova, Dixie Ray Model, les stars et les belles mondaines comme Lupe Velez, Joan Crawford et Beatrice Lillie seront immortalisés sous son objectif.

Vue d'ensemble de la salle 2

Vue d'ensemble de la salle 2

Plusieurs raisons d'y aller!

À travers les siècles et les périodes stylistiques, vous retracez une histoire de la peinture. Maniérisme, caravagisme, classicisme, néoclassique, romantisme, fauvisme, expressionnisme…Les différentes écoles sont représentées entre le XVIe et le XXe siècle. Puis on y apprécie les différents supports: peinture, dessin, photographie, puis la diversité des solutions artistiques trouvées par les artistes: comment le traitement du corps et de la figure féminine est exécuté selon l’emploi d’un médium ou d’un autre? Nous admirerons les différentes factures, les interprétations personnelles, le style et le regard des artistes. Aussi, cette exposition devient une belle occasion de découvrir un pan de la collection du musée. Faute de place, l'établissement ne peut exposer sa collection en permanence. Ces chef-d’œuvres sortent de leur réserve et s'offrent à nous sur les cimaises du musée. Enfin, rappelons encore et toujours que l'entrée du musée est gratuite! Et le bâtiment de style néo-renaissance est superbe avec sa double volée d’escaliers et ses arcades sur sa façade.
Vous savez ce qu'il vous reste à faire…

Nous remercions le Musée d'Art pour les clichés.

Exposition jusqu’au 18 septembre

Musée d’Art

113 Boulevard Leclerc

83000 Toulon

Ouvert du mardi au dimanche de 12h  à 18h. Entrée libre. Fermé les jours fériés

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