Les parfums de l’intranquillité à l’Hôtel des Arts

Les parfums de l’intranquillité© ArtInVar
Marlène Pegliasco
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[Toulon] Les expositions de l'Hôtel des Arts s'inscrivent depuis quelques années dans une réflexion méditerrannéenne, un axe considératif concernant les pays bordant la Méditerrannée avec lesquels nous partageons la culture et l'histoire, une culture identitaire sous-entendue en filigrane dans chaque exposition.

Celle intitulée Les Parfums de l'Intranquillité explore les créations artistiques de 14 femmes issues de ce berceau, questionnant les relations sociales, la place de la femme au sein de leurs sociétés et au milieu de pays en conflit sur les différentes rives de la Méditerranée. Quelle est la perception du féminin dans ces pays agités, dans cette agressivité à l'égard de la condition féminine? Des regards inquiets, ironiques, réalistes, convainquants…Des regards véhiculés par le médium artistique comme autant d'histoires que vivent les spectateurs. Les oeuvres exposées s'organisent en un parcours narratif, "comme un lent égarement au sein de territoires étranges et parfois érangers, autant d'occasions de ressentir les parfums d'un présent inconstant" précise la commissaire de l'exposition, Véronique Collard Bovy. Présentation.

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La parenthèse, Katia Kameli

Cette tapisserie de Colette Magdziak représente le porte-avions français Charles de Gaulle, dont Toulon est le port d'attache. Lorsque le navire part en mission, ce sont les couples qui se défont et l'absence devient une présence parfois beaucoup trop forte à vivre. L'artiste française Katia Kameli a enregisté les voix de ces compagnes s'adressant à leurs compagnons-militaires qui leur racontent leur vie quotidienne sans eux…

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Exemplary, Canan Senol

Cette vidéo de l'artiste turque Canan Senol est construit comme un film d'animation, découpé en multiples scénettes dans lesquelles l'héroïne passe par tous les clichés de la civilisation turque comme autant de barrières pour vivre pleinement sa propre existence.

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Compressed, 2010, Angela De La Cruz

Peinture ou sculpture? Cette forme en très haut relief, accrochée au mur, détourne les codes artistiques. L'artiste espagnole Angela De La Cruz réalise ces sculptures muettes dans des formes géométriques simples  (un parallélépipède) mais chaque face a été par la suite détériorée, cassée, détruite. La couleur unique s'allie à ces nouvelles formes qui apparaissent, ces angles cassants qui accrochent la lumière. Une interrogation sur la simplicité des choses qui peut vite tourner à la perturbation.

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The School of narrative dance, , Little Chaos, Marinella Senatore

 

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The School of Narrative Dance, Little Chaos, Marinella Senatore

L'artiste italienne Marinella Senatore met en scènes des groupes de femmes et d'enfants dans des poses libératrices. Ces anonymes deviennent les protagonistes d'images historiques. Comme l'indique son nom, le projet The School of Narrative Dance a pour objectif de faire naître de nouveaux récits à travers le langage du corps. Les photographies sont bien équilibrées et la composition visuelle comporte toute une palette de couleurs savamment distribuées.

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The Frigidair, 1977-2015, Nissreen Najjar

L'artiste israëlienne Nissreen Najjar propose une installation où la notion de liberté est entravée. Des croquis au tapis dessinant des pointes, la sensation d'oppression et de violation est présente. Cette pièce rappelle cet enfermement physique et psychologique que vivent bons nombres de personnes dans nos sociétés contemporaines.

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Unfolding, 2012, Nermine Hamman

Au premier abord, les dessins de l'artiste égyptienne Nermine Hamman sont comme une invitation à la douceur, posés sur un fond bleu nuit. Mais dans ses oeuvres se sont insérées des scènes liées aux violences policières pratiquées sur la place Tahrir l'année suivant les révolutions de jasmin. La dénonciation se fait ici dans le sens que ces images sont devenues des banalités, diffusées dans un monde immergé par le flot visuel.

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Ummodach, 2015, Hayv Kahraman

L'artiste irakienne Hayv Kahraman s'approprie le corps féminin comme unité, une unité souvent violée, détachée, démembrée. On trouve des compositions réalisées avec de vraies cheveux, des croquis avec des mesures comme on façonne un corps au lieu de le laisser s'épanouir. Le corps est le siège de la vie, de son identité, qui devient séduction mais aussi synonyme de contrôle et de destruction.

Sigalit Landau, Angela De La Cruz et Jana Sterbak

Sigalit Landau, Angela De La Cruz et Jana Sterbak

Dans cette pièce sont exposées deux oeuvres avec une référence commune: l'eau. À droite, la sculpture en robinetterie Water Meter Tree de l'artiste israëlienne Sigalit Landau pose l'aspect sociétal de l'eau comme source de vie mais aussi comme enjeu politique dans des régions où son acheminement reste très difficile. Sur la table sont posées des récipients remplies d'eau de l'artiste canadienne d'origine tchèque Jana Sterbak. Vasos per aqua del mar est une référence à une tradition née à Ceuta, enclave espagnole dans le territoire marocain, qui consiste à déposer des récipients remplies d'eau de mer à différents endroits de l'habitation le jour de la Saint-Jean, comme une manière de s'assurer la protection de la Mare Nostrum. Au fond, la sculpture murale d'Angela De La Cruz semble s'effondrer, comme un rideau trop lourd. La couleur noire et les volumes de la sculpture donnent l'illusion d'un espace derrière le mur.

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Something Bad Happened to Me, 2016, Inci Eviner

Dans cette pièce, des voix féminines saccadées répandent un bruit assourdissant. Ce monologue haché avec ces variations de voies aiguës et stridents suit des images où la femme est instrumentalisée. L'artiste stanbouliote Inci Eviner propose une vidéo gênante et oppressante sur la conditon féminine.

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To the Wild, 2011, Cristina Lucas

C'est une étrange production que nous propose l'artiste espagnole Cristina Luca. La musique classique qui compose cette vidéo apporte un côté conte à ce récit des temps modernes. To the Wild prône le retour à la nature comme fondement d'une libération des sociétés. Laisser derrière soi une vie pour en vivre une nouvelle.

Des actes artistiques pour des causes universelles

L'exposition riche de sens et de thèmes liées aux femmes et à nos sociétés ne peut que nous interpeller et nous amener à des réflexions plurielles. Peinture, sculpture, dessins et vidéos, les différents médiums exposés sont autant de voies créatives pour nous toucher. Autant de lieux et de traditions revisités sous le regard artistique, comme la vidéo de l'artiste anglaise Tacita Dean sur le hamman de l'Hôtel Gellert à Budapest ou le napperon de dentelle, objet central de l'oeuvre de l'artiste libanaise Lara Baladi. Enfin, le rez-de-chaussée de l'Hôtel des Arts et son premier niveau sont liés par l'installation de l'artiste française Aïcha Hamu. Tel un fil d'Ariane, ce tapis rouge se déploie selon ses envies, ce n'est pas celui policé qu'on trouve dans les cérémonies encadrées. Cet objet inerte se donne des envies de liberté, dessinant son propre trajet qu'on suit avec allégresse. Un souffle de liberté que chaque artiste de cette exposition revendique avec noblesse.

Les parfums de l’intranquillité© ArtInVar

Sans Titre, 2016, Aïcha Hamu

À découvrir jusqu'au 25 septembre

Hôtel des Arts-Centre Méditerranéen d'art du Département du Var

236, Boulevard Maréchal Leclerc,

83 000 Toulon

Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h

 

 

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