Néphéli Barbas, « Baladeurs amnésiques » à l’Ancien Evêché de Toulon

Néphéli Barbas
Marlène Pegliasco
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[Toulon] Investir un espace historique, y inventer une histoire, introduire une narration à travers les formes qui composent dorénavant cette historicité, et nous amener en balade, entre passé et présent, entre réminiscence et  réalité. Tel est donc le propos de l’exposition « Baladeurs Amnésiques » présentée à l’Ancien Évêché de Toulon jusqu’au 7 mai 2021 et de son artiste, Néphéli Barbas. Invitée par la Villa Noailles, Néphéli présente le travail d’une résidence enrichi par des échanges constants entre le dessin, la céramique et la sculpture.

Néphéli Barbas
Les Amnésîles, 2021 ® Luc Bertrand

L’artiste de 30 ans a suivi son cursus artistique à la Villa Arson à Nice avant de participer à un programme d’artistes contemporains de l’Université de Torcuato di Tella à Buenos Aires, Argentine en 2016.  De retour en France, elle partage son travail entre son pays natal et la République Tchèque, où elle réalise une résidence au PRAM studio à Prague en 2018. Elle décide d’y poser ses valises car l’architecture de cette ville et sa scène artistique sont des terrains propices aux rencontres et fertiles à sa création. Nommée pour le Prix Révélations Emerige 2019, elle bénéficie, grâce au soutien de la Villa Noailles, d’une résidence d’un mois à Toulon et à l’issue, d’une présentation de son travail à l’Ancien Évêché.

C’était durant l’automne 2020, avec la liberté de présenter son travail in-situ au cœur de l’ancien quartier médiéval de la cité du Levant.  « Ma résidence était très intéressante, j’ai travaillé à l’atelier de céramique de la nouvelle école des beaux –L’ESADTPM implantée sur le site de Chalucet– J’y ai produit les carreaux qui ont servi pour le bord de la piscine, le bassin et le pourtour des dessins. Ensuite, je voulais créer un décalage avec l’architecture historique des lieux, proposer quelque chose qui soit réalisé spécialement pour dialoguer avec cet environnement. »

Néphéli Barbas
A day in the life, 2019

L’installation proposée par Néphéli Barbas s’inspire des bassins qu’on pouvait voir dans les espaces publics ou les cours privées d’habitations communes dans les années 60-70. Bassin, rochers et objets muraux utilisent un vocabulaire ornemental emprunté à différentes périodes historiques. Les carreaux et leurs motifs végétaux viennent  des enluminures de manuscrits du 13e siècle ; les formes des rochers et du bassin évoquent les formes du modernisme tardif. Une installation diachronique qui forme un ensemble cohérent autour de la notion de passage, de promenade. Des éléments qui déclenchent chez le promeneur amnésique une résurgence de souvenirs se télescopant de façon improbable à la réalité. Un bug spatio-temporel dans notre esprit.

Pour renforcer cette sensation, Néphéli joue sur l’idée de ruine. Les formes flottantes de son bassin ou les objets évoquent des débris stylisés, un peu naïfs. Les patelles et les crustacés défient la fixité des éléments, leur immobilisme. C’est la vie qui vient s’accrocher et envahir une histoire pour en créer une nouvelle. Cette idée n’est pas une fin en soi, au contraire : « Si la ruine est présente dans mon travail, elle n’est pas abordée de manière mélancolique. Il y a plutôt l’idée qu’elle est un lieu de recommencement. Ces constructions humaines se lézardent et sont à leur tour colonisées par une nouvelle vie, qui devient dans cette installation une ornementation en soi, puisque ces moules et patelles sont réalisées en céramique » 

Néphéli Barbas
La termitère future, 2021 ® Luc Bertrand

La notion de couches est également un leitmotiv du travail de Néphéli. Le carreau sur le rocher sur lequel vient s’accrocher les crustacés ; les tessons sur les murs et les ornementations en laiton. Autant  de strates entre lesquelles le regard glisse et vient s’accrocher.

L’artiste l’avoue : c’est elle qui a trouvé le titre énigmatique de cette exposition. « Je fais un parallèle entre le fait de marcher et de s’arrêter, entre passé et présent et j’interroge la notion du temps linéaire qui se fragmente et prend une nouvelle dimension diachronique. Et puis c’était une manière d’introduire un brin d’humour. »

Après Toulon, nous retrouverons cet été l’artiste à Art-O-Rama à Marseille dans le cadre du Prix Région Sud autour d’un projet immersif conçu à partir de formes issues de la réalité transformée.

Néphéli Barbas
Détail de moules et patelles, les Amnésîles, 2021 ® Luc Bertrand

Jusqu’au 7 mai 2021
« Baladeurs Amnésiques », Néphéli Barbas, Révélation Emerige 201969, Cours Lafayette83000 Toulon

Ouvert du mercredi au samedi de 11 h à 17hLe dimanche de 11h à 13hFermé les lundis, mardis et jours féries.

 

Auteur: Marlène Pegliasco
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