« On ne peint pas ce qu’ on voit mais le choc qu’ on a reçu ». Quand Nicolas de Staël débarque en Provence, la lumière fulgurante est une violence à l’état pur. Il part à la découverte des paysages sauvages. La blancheur austère du calcaire, le vert de la nature ainsi que le ciel pâle du petit matin le bouleverse. Ce n’est rien de ce qu’il connaît. Sa peinture capte ses sensations. Elle devient épaisse, étale plusieurs couches, la sculpte comme une forme humaine. Les formes condensées dans la matière picturale marquent à la fois son adoration et son exaltation.
La composition simple des éléments permet d’appréhender ce nouvel environnement afin de traduire en couleurs les impressions éprouvées. Il réalise de nombreux croquis lors de ses longues marches puis peint dans ses ateliers de Lagnes, puis de Ménerbes. Dans la séries des grandes tables, un sujet classique inspiré de Chardin, la frontière est tenue entre abstraction et figuration. L’absence de perspective et de modelé n’enlève rien à l’existence des choses et des êtres qui s’imposent dans l’alchimie des couleurs vives et de la peinture.
La matière se fait mouvement afin de laisser s’exprimer les éléments naturels. Chaque toile met en avant des notions d’horizontalité et de verticalité. Le paysage se dénude afin de révéler sa force évocatrice intemporelle. Parfois, la couleur vient éclabousser la composition, comme dans Arbre rouge, 1953. Parfois, les bords de la toile sont laissés en réserve. Parfois, sa touche est une variation de petits carrés chromatiques. L’artiste voulait « Sentir la vie devant moi et de la sentir toute entière ». Il ne se lasse pas du Vaucluse et des couchers de soleil qui nuancent les couleurs. Sa peinture se fait lyrique et les modulations du pinceau rappelle Vincent Van Gogh, un autre artiste ébloui par le soleil de Provence. Lui aussi prend les cyprès pour motif, expression de sa solitude intérieur.
Nicolas de Staël va poursuivre cet enseignement de la couleur et de la lumière en Sicile. Sur la route qui le conduira jusqu’au sud de l’Italie, il dessine les ruines antiques, les vestiges des temples et les fresques de Pompéï. Ses carnets entiers de croquis seront sa source de travail lorsqu’il regagnera son atelier de Lagnes. Les aplats de couleurs pures traduisent l’intensité éblouissante du soleil sur la pierre et sur les murs colorés des habitations.
Influencé par le cubisme, il joue sur l’opposition des couleurs afin de moduler les formes. Des formes limpides qui traduisent sa vérité intime. Les couleurs primaires ont une place importante dans cette œuvre évanescente, dans cette ivresse chromatique et lumineuse. Un condensé d’émotions qui incendie les rétines des Américains et grâce auxquels il va connaître un succès fulgurant. L’expérience picturale révèle le démiurge intérieur. Nicolas de Staël est lui-même un être solaire mais en souffrance, dans une quête toujours plus intense, toujours plus juste, toujours plus essentielle de la vie, de l’amour. Il nous laisse une œuvre réalisée sur une quinzaine d’années et dans laquelle il donne tout. Sa riche correspondance avec René Char nous éclaire sur le rôle majeur de cette terre de Provence dans la production artistique de ce génie qui quitte ce monde en à Antibes en 1955.
Jusqu’au 23 septembre 2018
Nicolas de Staël en Provence
Hôtel de Caumont – Centre d’Art
3 rue Joseph Cabassol
13100 Aix-en-Provence
Ouvert tous les jours de 10h à 19h
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