Nicolas de Staël en Provence: la lumière intense

Nicolas de staël
Marlène Pegliasco
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[Aix-en-Provence] Nous savions que la lumière du sud a inspiré de nombreux artistes, au point pour certains de marquer notablement leurs vies et leur œuvre. C’est le cas avec Nicolas de Staël. Né en Russie en 1913, l’artiste s’installe en France et peint de nombreux paysages. Après plusieurs voyages en Europe et au Maroc, il débarque en Provence en juillet 1953 sur les conseils de son ami le poète René Char. La période provençale de Nicolas de Staël marque un tournant essentiel dans son existence. Le choc de la lumière du sud, des variations de couleurs aux rythmes des saisons, l’expérience de la solitude viennent révéler une émotion intense, production à la fois visuelle et intime. Pour la première fois et de manière exclusive, sur le développement de l’œuvre de Nicolas de Staël lors de son séjour en Provence, entre juillet 1953 et octobre 1954, l’Hôtel de Caumont – Centre d’art à Aix-en-Provence montre l’exposition « Nicolas de Staël en Provence » 71 peintures et 26 dessins provenant de prestigieuses collections internationales publiques et privées, montrent la réalité et la force de la nature brute, comment cette main intelligente puise son génie dans ces paysages expressifs, comment la nature accompagnait son regard. Une pratique artistique vécue comme une quête de sens.
Nicolas de staël
Ciel de Vaucluse, 1953, huile sur toile, 16 x 24 cm © Adagp, Paris, 2018  © Jean Louis Losi

« On ne peint pas ce qu’ on voit mais le choc qu’ on a reçu ». Quand Nicolas de Staël débarque en Provence, la lumière fulgurante est une violence à l’état pur. Il part à la découverte des paysages sauvages. La blancheur austère du calcaire, le vert de la nature ainsi que le ciel pâle du petit matin le bouleverse. Ce n’est rien de ce qu’il connaît. Sa peinture capte ses sensations. Elle devient épaisse, étale plusieurs couches, la sculpte comme une forme humaine. Les formes condensées dans la matière picturale marquent à la fois son adoration et son exaltation.

Nicolas de staël
Paysage de Provence, 1953, huile sur toile, 81 x 65 cm, collection privée/Courtesy Applicat-Prazan, Paris ©Adagp, Paris,2018 © Applicat-Prazan

La composition simple des éléments permet d’appréhender ce nouvel environnement afin de traduire en couleurs les impressions éprouvées. Il réalise de nombreux croquis lors de ses longues marches puis peint  dans ses ateliers de Lagnes, puis de Ménerbes. Dans la séries des grandes tables, un sujet classique inspiré de Chardin,  la frontière est tenue entre abstraction et figuration. L’absence de perspective et de modelé n’enlève rien à l’existence des choses et des êtres qui s’imposent dans l’alchimie des couleurs vives et de la peinture.

Nicolas de staël
 Arbre rouge, 1953, huile sur toile, 46 x 61 cm, collection privée © Adagp, Paris, 2018 © Christie’s

La matière se fait mouvement afin de laisser s’exprimer les éléments naturels. Chaque toile met en avant des notions d’horizontalité et de verticalité. Le paysage se dénude afin de révéler sa force évocatrice intemporelle. Parfois, la couleur vient éclabousser la composition, comme dans Arbre rouge, 1953. Parfois, les bords de la toile sont laissés en réserve. Parfois, sa touche est une variation de petits carrés chromatiques. L’artiste voulait « Sentir la vie devant moi et de la sentir toute entière ». Il ne se lasse pas du Vaucluse et des couchers de soleil qui nuancent les couleurs. Sa peinture se fait lyrique et les modulations du pinceau rappelle Vincent Van Gogh, un autre artiste ébloui par le soleil de Provence. Lui aussi prend les cyprès pour motif, expression de sa solitude intérieur.

Nicolas de staël
Paysage, 1953, huile sur toile, 14 x 22 cm, collection privée © Adagp, Paris, 2018 © The Fitzwilliam Museum, Cambridge.

Nicolas de Staël va poursuivre cet enseignement de la couleur et de la lumière en Sicile. Sur la route qui le conduira jusqu’au sud de l’Italie, il dessine les ruines antiques, les vestiges des temples et les fresques de Pompéï. Ses carnets entiers de croquis seront sa source de travail lorsqu’il regagnera son atelier de Lagnes. Les aplats de couleurs pures traduisent l’intensité éblouissante du soleil sur la pierre et sur les murs colorés des habitations.

Nicolas de staël
 Sicile, 1954, huile sur toile, 60 x 81 cm, collection privée © Adagp, Paris, 2018 © Jean Louis Losi

Influencé par le cubisme, il joue sur l’opposition des couleurs afin de moduler les formes. Des formes limpides qui traduisent sa vérité intime. Les couleurs primaires ont une place importante dans cette œuvre évanescente, dans cette ivresse chromatique et lumineuse. Un condensé d’émotions qui incendie les rétines des Américains et grâce auxquels il va connaître un succès fulgurant. L’expérience picturale révèle le démiurge intérieur. Nicolas de Staël est lui-même un être solaire mais en souffrance, dans une quête toujours plus intense, toujours plus juste, toujours plus essentielle de la vie, de l’amour. Il nous laisse une œuvre réalisée sur une quinzaine d’années et dans laquelle il donne tout. Sa riche correspondance avec René Char nous éclaire sur le rôle majeur de cette terre de Provence dans la production artistique de ce génie qui quitte ce monde en à Antibes en 1955.

Nicolas de staël
 Paysage de Sicile, 1953, huile sur toile, 87,5 x 129,5 cm, collection privée/dépôt au Fitzwilliam Museum, Cambridge © Adagp, Paris, 2018 © The Fitzwilliam Musuem, Cambridge

Jusqu’au 23 septembre 2018

Nicolas de Staël en Provence

Hôtel de Caumont – Centre d’Art

3 rue Joseph Cabassol

13100 Aix-en-Provence

Ouvert tous les jours de 10h à 19h

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