Depuis 2020, le média Europe 1 et GMF assurances attribuent un prix littéraire à un ouvrage mettant à l’honneur l’engagement humain, la solidarité et le sens collectif. Ces femmes et ces hommes, héros du quotidien, sont une source inspirante et ce prix vise à mettre en lumière les acteurs de notre société et à pousser notre réflexion pour changer le monde afin de le rendre toujours plus au service de l’humain.
Comme chaque année, Europe 1 invite deux auditeurs à participer à la délibération ainsi qu’à la remise de ce prix littéraire. C’est ainsi que j’ai été sélectionnée parmi plus de 500 candidatures pour rejoindre ce prestigieux jury, composé de personnalités issues du monde des Lettres et de la Haute Fonction Publique. Un honneur que j’ai partagé avec Fanny Front, l’autre auditrice sélectionnée.
Ma mission une fois acceptée, un véritable travail de lecteur-critique s’engageait. 1er objectif: lire les 5 livres sélectionnés en quatre semaines. Ces livres, que je vous décris ci-dessous, diffèrent par leur écriture, leur style et leur histoire mais portent en eux les valeurs humaines que revendiquent la GMF. Ensuite, prendre du recul et réfléchir sur la pertinence du lauréat par rapport aux valeurs portées par ce prix. En effet, être jurée, ce n’est pas simplement dire « j’aime/j’aime pas » mais au contraire, replacer dans un contexte, débattre et analyser afin que le livre puisse parler à tous au nom des valeurs d’engagement, de solidarité et d’humanité inhérentes à ce prix littéraire.
Le 31 mai, direction la capitale pour le grand jour de la délibération en présentiel après deux ans de pandémie qui ont obligé le jury à se réunir en distanciel. Difficile de ne pas être impressionnée entourée de jurés remarquables. Animée par le chroniqueur littéraire et écrivain Nicolas Carreau, la délibération s’est ouverte après quelques mots de Constance Benqué, présidente de Largardère News et de Thierry Derez, président-directeur du Groupe Covéa, groupe auquel appartient la GMF. Cette délibération revêtait un sens particulier car quelques jours auparavant est décédé le général Hubert Ivanoff, vice-président de la GMF , homme passionné de littérature et très impliqué dans la création de ce prix littéraire.
Sous l’œil attentif d’un huissier, chaque membre devait donner seulement deux titres parmi les cinq ouvrages retenus et défendre ses choix. À l’issue de deux tours de table, un ouvrage a été sélectionné. Alors qui, après Le Théâtre des Nuits de Carl Aderhold (couronné en 2020) et Le Chemin des Estives de Charles Wright (couronné en 2021), recevra le prix littéraire Europe 1 X GMF 2022 ? Réponse le 9 juin lors de la cérémonie de remise du prix!
Les livres sélectionnés pour la 3e édition du prix Europe 1 x GMF
La patience des traces, de Jeanne Benameur, chez Actes Sud: Un matin, le bol dans lequel le psychanalyste Simon Lhumain boit son café quotidien lui glisse des mains et se brise. Dès lors, réparer les failles et les blessures de sa vie devient une quête urgente. Lui, habitué à écouter les autres, a durant toutes ses années étouffer ses sentiments et ses états d’âme. Quittant sa Bretagne, il part rejoindre les îles japonaises de Yaeyama où la rencontre avec des âmes bienveillantes et des cultures ancestrales vont l’aider dans la reconstruction de son être. Écrit dans un style poétique, le livre invite à la découverte de soi, des autres, et de soi par les autres.
Le Soldat Ulysse, d’Antoine Billot, chez Gallimard: 1919, Gare de l’Est à Paris. Un soldat est retrouvé errant. Totalement amnésique, il est hospitalisé et les médecins tentent, en vain, de rendre une identité à cet homme qu’aucune famille ne réclame. C’est ainsi que le ministère des Pensions décide de lancer une grande campagne nationale en diffusant son image à travers le pays en espérant que ce soldat soit reconnu, aidé en cela par le plein investissement du médecin-colonel Milosz. Dans un style littéraire et classique laissant une grande place aux descriptions sensorielles et charnelles, le lecteur suit cette enquête vers une identité et l’espoir de retrouver une vie humaine dans une France avant que les horreurs de la guerre ne viennent tout briser. Un roman dont des éléments ont été empruntés à notre histoire nationale et qui questionne notre rapport à l’identité, à la solidarité et aux ravages invisibles de la guerre.
La Tour de Doan Bui, chez Grasset: Ce roman contemporain explore les forces et les failles, les désespoirs et les espoirs de plusieurs familles habitant une même tour-la tour fictive Melbourne- de la dalle des Olympiades dans le 13e arrondissement de la capitale. Ce monde cosmopolite se croise dans l’ascenseur qui désert les 37 étages. Dans ce premier roman bien écrit, mêlant ironie et humour noir, Doan Bui questionne le déracinement et soulève toute la difficulté de sortir de ses origines culturelles. Les histoires se coupent, s’entrechoquent et le livre amène à une véritable réflexion sur le sens commun, le vivre-ensemble et la solidarité.
Basculer de Florian Forestier chez Belfond: Tombé dans une crevasse, quelque part dans le massif des Ecrins, Daniel Fresse, haut fonctionnaire de l’Etat, convoque sa mémoire et fait défiler les évènements qui ont conduit à sa chute autant physique que personnelle. Dans une atmosphère sibylline, non sans évoquer la période « covid » que nous avons vécue et ses conséquences, le livre annonce le basculement irrémédiable de notre société -vers le pire ou le meilleur?- en sous-entendant la responsabilité des politiques et de tout un chacun. Ce livre engage la réflexion sur les arcanes du pouvoir, le rôle des médias et une prise de conscience inévitable pour éviter l’effondrement.
Les Jours Suivants de Caroline Sers chez Calman-Levy: Un village quelque part en France en ce début du XXIème siècle. À la faveur d’un black-out en plein hiver, la population locale, formée en partie de néo-ruraux ayant fui la vie citadine, va se soutenir et s’organiser dans cette situation inédite où les repères sont chamboulés. Le livre nous interroge sur notre capacité à s’adapter à des situations imprévues, à réagir à l’urgence. Il nous amène à suivre notre instinct et à ne pas oublier des choses essentielles comme lire, dessiner, écouter des sons, rêver.